CooProg : le nouvel outil qui veut décarboner les tournées artistiques

« Le meilleur événement culturel est celui qui n’existe pas. » Prononcée par Francis Talin, ancien responsable au parc national des Calanques de Marseille, cette phrase résume à elle seule le paradoxe auquel sont confrontés le monde du spectacle : comment incarner la vitalité culturelle tout en limitant leur impact sur le monde vivant ? Une partie de la réponse se trouve peut-être du côté de CooProg, plateforme de coordination de la programmation artistique au sein du nouveau régime climatique. Explications. 

Le secteur culturel doit agir pour repenser la mobilité  

Au sein du spectacle vivant et du secteur musical, les émissions carbones proviennent majoritairement des déplacements, ceux du public représentant entre 60 à 80 % du bilan total. Sans parler des artistes dont les tournées s’étirent parfois sur des milliers de kilomètres pour seulement quelques dates. À cela s’ajoutent les contraintes budgétaires, la disponibilité des salles, les calendriers serrés et la concurrence entre structures, qui poussent bien souvent à programmer vite, parfois au détriment de la cohérence géographique ou temporelle. Résultat : des allers-retours coûteux, des créneaux isolés et une empreinte carbone qui s’envole. Face à l’urgence climatique, les professionnels n’ont plus seulement besoin d’outils de mesure, mais également d’outils d’action. C’est précisément dans ce vide que s’inscrit CooProg, en proposant une approche collective qui dépasse les efforts individuels. 

CooProg : la solution pour organiser des tournées plus sobres  

Lancée le 1er juillet 2025, CooProg, conçue pour être utilisée en open source, repose sur une idée simple : offrir aux programmateurs la possibilité de partager et d’identifier des projets convergents, pour réaliser des tournées rationnelles temporellement et géographiquement, dans le but de limiter l’empreinte écologique des secteurs de la musique et du spectacle vivant. Sur la plateforme, chaque structure peut partager des projets artistiques, indiquer ses intentions de programmation et visualiser ce que d’autres lieux prévoient sur une période donnée. L’outil favorise ainsi des trajectoires plus logiques, où plusieurs dates dans une même région peuvent s’enchaîner sans déplacements inutiles. On y discute directement via un chat intégré, on enrichit les fiches projets de documents, et les artistes eux-mêmes peuvent désormais participer pour affiner l’organisation de leurs tournées. Pensée comme un bien commun, CooProg inverse donc la logique habituelle : au lieu d’agir chacun dans son coin, on coordonne, on ajuste et on anticipe. Résultat : moins de kilomètres, davantage de continuité et une circulation des artistes plus intelligente. 

Les opportunités et limites de cette nouvelle façon de programmer 

L’arrivée de CooProg ouvre la porte à une manière plus durable de faire circuler les spectacles en Europe. En facilitant la coopération, la plateforme permet d’allonger la durée de vie des créations, réduire les coûts logistiques et encourager des programmations plus ancrées dans les territoires. Elle renforce aussi le lien entre les différents programmateurs qui passent ainsi d’une posture parfois concurrentielle à une démarche plus collective. Néanmoins l’efficacité de CooProg dépendra de son adoption, puisque si les professionnels du secteur ne jouent pas le jeu, la logique de coordination restera limitée. Il convient également de composer avec les arbitrages artistiques, les contraintes de production et le besoin de préserver la diversité des propositions. Enfin, la sobriété numérique s’invite elle aussi dans le débat. Malgré ces quelques tensions, CooProg esquisse une piste crédible pour programmer autrement, en accord avec un monde qui change, et qui demande au secteur culturel de se réinventer.