Sur Jour E, on imagine demain, et même 2050

Le 03/04/2025
6 min

« Réinventer le futur en s’inspirant du biomimétisme », « Comment franchir le pas d’une supply chain décarbonée ? », « Comment promouvoir sa démarche d’éco-conception ? »… et aussi : à quoi ressemblera l’économie en 2050 ? Tous ces sujets ont été abordés lors de Jour E. Le mardi 2 avril 2025, plusieurs dizaines d’entreprises se sont donné rendez-vous au Palais Rameau à Lille pour (re)mettre la transition écologique au cœur de leurs préoccupations. Et en matière de prospective, le Shift Project a pris la parole lors d’une masterclass « Scenarios 2050 : décryptage des enjeux pour l’avenir ».  « Ce n’est pas de la science-fiction. Nous nous appuyons sur des bases techniques. » Rémi Grimaud, chef de projet au sein du Shift Project, clarifie d’emblée son intervention. L’objectif du Shift Project, une association d’entreprises pour nourrir les connaissances autour de la TEE (transition écologique et énergétique), est notamment d’aider d’autres entreprises à mieux comprendre les scénarios de transition, et ceci à travers un site, Comprendre2050.fr. Plusieurs thématiques y sont abordées, parmi lesquelles l’énergie, la consommation, l’industrie, le logement, etc. Le but est de comparer des scénarios entre eux selon des hypothèses très contrastées. « Notre objectif, c’est de mettre sur la table, pour les décideurs politiques, les hypothèses et les conséquences de ces hypothèses dans le cadre de la transition énergétique. C’est d’animer le débat », insiste Rémi Grimaud. Et ceci au regard des innovations et de la recherche scientifique. Le Shift Project observe ce qui se fait dès aujourd’hui et l’avancée des progrès. « Parfois, les délais sont trop courts et les certitudes trop fortes pour envisager certains scénarios », mentionne Rémi Grimaud. Un exemple ? Les avions à batterie. Utopie ou progrès tangible ?  Aux participants de la masterclass de trancher. 

Imaginer des trajectoires

Car sur Jour E, l’approche se veut pédagogique et interactive. Un quiz permet de jauger les connaissances des participants et leur capacité à se projeter. Sont-ils sur la bonne voie ? Un exemple ? Quelle sera la consommation d’électricité en 2050, sachant qu’en 2020 elle était de 545 TWh ? La plupart des répondants estiment qu’elle avoisinera le 0, misant sur une sobriété souveraine. Mauvaise réponse. « Nous pensons que la fourchette sera comprise entre 540 et 860 TWh. La plupart des scénarios imaginent que la consommation de l’électricité en 2050 va croître par rapport à aujourd’hui, du fait de l’électrification de nos usages », répondent les experts du Shift Project. Et ces derniers de justifier leur réponse, sur la base de plusieurs facteurs. Les premiers sont effectivement de l’ordre de la sobriété, d’autres découlent d’usages qui s’accentueront comme l’adoption générale des véhicules électriques ou une production massive d’hydrogène vert, décarboné et qui nécessite donc de l’électricité. « Les scenarios, ce n’est pas une prévision de ce qui va se passer, c’est une histoire que nous voulons raconter, souligne Rémi Grimaud. D’où l’importance, dans le scénario, des trajectoires et pas uniquement de l’objectif 2050. »

De l’atténuation à l’adaptation

Soit imaginer demain pour mieux commencer à agir aujourd’hui ? C’est ce que suppose l’adaptation, et notamment celles des entreprises face au changement climatique. Ce sujet a également fait l’objet d’une masterclass sur Jour E, animée par Thomas Bastin, responsable de projets d’études au sein de Bpifrance Le Lab. « L’atténuation s’attaque aux origines du mal, c’est-à-dire les émissions de carbone, les énergies carbonées, les produits qui appartiennent à un consommateur d’énergie. L’adaptation est de l’autre du côté du changement climatique quand ce dernier commence à bien se faire sentir », rappelle-t-il. 

Mais pour un dirigeant d’entreprise, qu’est-ce que cela veut dire très concrètement ? Comment les retombées sont-elles vécues ? « Ça manque de précision, avertit Thomas Bastin, mais le plus souvent on imagine un chef d’entreprise qui doit faire face au chômage technique de ses équipes car il est impossible de continuer à travailler sous 40 degrés l’été. Or, il faut interroger ses vulnérabilités plus globalement lorsqu’on veut s’attaquer au sujet de l’adaptation. » Outre le souci de productivité, peuvent être connus des soucis d’approvisionnement, des contrats qui ne se renouvellent pas, une augmentation des coûts, etc. Surtout dans le cas d’un changement climatique chronique qui s’illustre par une multiplication d’événements météorologiques d’importance. Pourtant, la plupart des chefs d’entreprise ne se sentent pas vraiment concernés pour le moment (car présents dans un environnement plutôt tempéré), d’après l’étude Adaptation des TPE PME au changement climatique menée par Bpifrance Le Lab. Pourquoi les chefs d’entreprise ne se lancent pas dès à présent ? Car ils considèrent que l’exposition est encore faible aujourd’hui. Et si on les interroge sur l’avenir ? Les lignes commencent à bouger car 50 % prévoient une exposition moyenne à horizon 2030 et 47 % (la majorité) une exposition forte à horizon 2050. « Leur réflexe ? Se dire ‘on verra ça plus tard’. Pourtant, pour un gros tiers des dirigeants que nous avons interrogés, c’est déjà trop tard car ils ont déjà été affectés par un aléa climatique qui a eu un impact véritable sur leur activité et leur chiffre d’affaires », mentionne Thomas Bastin. 

Ce qui les pousse à finalement franchir le pas ? Le plus souvent, il s’agit de satisfaire une conviction. C’est l’adéquation des valeurs du dirigeant avec telle ou telle problématique qui l’incite à se mettre en branle. « C’est vraiment à l’échelle du chef d’entreprise que cela se joue, surtout dans les PME : c’est lui qui va insuffler les transformations », insiste Thomas Bastin. D’autant plus que cela peut devenir un sujet fédérateur lorsqu’il consulte ses collaborateurs… Un risque menace un chainon clé de l’entreprise ? Entre acceptation, réduction, évitement et transfert, à chaque chef d’entreprise de déterminer la stratégie qu’il souhaite adopter. Dans l’éventualité de certains scenarios prospectifs, certains peuvent faire le choix de s’adapter au pire… comme d’autres vont faire le choix de parer aux plus mauvaises prédictions, en commençant par un petit projet, quitte à voir plus grand et progresser davantage ensuite. Et d’apprendre ainsi que des nécessités peuvent naître des opportunités. Preuve en est avec la nouvelle étude présentée en clôture de Jour E et consacrée aux Greentech, ces entreprises qui optent pour une transition franche et la protection de la biodiversité. L’année dernière, les experts de Bpifrance ont comptabilisé 2 900 startups Greentech, soit un chiffre en croissance de 200 nouvelles entreprises contribuant à la croissance d’un véritable écosystème. 
 

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