Devenir le Yuka du secteur musical, la folle ambition de Fairly Score
55 % des spectateurs réguliers de concerts et festivals de musique déclaraient, lors d’une étude menée en 2024 par l’agence Bona fidé en partenariat avec l’Ifop, que la prise en compte des enjeux RSE pourrait influencer leurs choix de concert. Lancé fin 2024 lors du MaMa, événement majeur de l’industrie musicale, et récompensée du prix Riffx pour son approche utile et écologique, Fairly Score s’impose comme un facilitateur de transition durable de la production et de la consommation culturelle. Comment ? En offrant aux organisateurs et au public une meilleure compréhension des impacts des événements culturels. Explications avec François Gautreau, responsable communication et marketing de Fairly, entreprise de l’économie sociale et solidaire.
Big média : Comment présenter Fairly ?
François Gautreau : Fairly est une entreprise de l’économie sociale et solidaire lancée en février 2021 dans le but d’offrir des solutions technologiques liées à l’impact et au diagnostic d’impact, au sein de la production culturelle essentiellement. Nous proposons aujourd’hui deux offres. Premièrement Fairly Event, une solution d’encaissement et d’outils de gestion d’un événement donné (festival, concert…), axé sur la transparence dans la gestion et l’impact financier. Mais également Fairly Score sur lequel nous travaillons depuis désormais quatre ans et qui est sorti en décembre 2024 dans sa version évènement. Il prend la forme d’un calculateur d’impact RSE au sens large. Pour résumer, c’est le Nutri-score ou le Yuka des concerts et festivals qui génère l’impact d’un événement sous un triple score : carbone, environnemental et économique et social.
BM : Quel déclic vous a convaincu de lancer l’indicateur Fairly Score ?
FG : Maxime Faget, co-fondateur et directeur de Fairly, vient de la production culturelle et dirigeait un festival il y a quelques années. Il avait notamment travaillé sur comment la blockchain pouvait permettre de quantifier l’impact des manifestations culturelles en quelque chose de normalisé et de transparent. Ses travaux l’ont amené à déporter ses idées sur du concret avec le scoring que l’on retrouve avec Fairly Score. De mon côté, au sein de la coopérative Grand Bonheur qui a pour mission de produire des albums, des tournées, des festivals, de gérer des salles de concert, nous avions une expertise axée sur la production musicale et le financement mixte propre à l’économie sociale et solidaire. Nous avons donc mixé toutes ces compétences en 2022 pour monter une véritable équipe de développement autour de Fairly Score, outil très ambitieux puisque c’est le seul calculateur d’impacts RSE et non stricto carbone dans la production musicale.
« Le but est d’embarquer les publics dans ce que le secteur musical fait de mieux en termes d’écologie »
BM : Concrètement, comment fonctionne Fairly Score ?
FG : Fairly Score propose une licence d’utilisation de son outil qui démarre à 29 € par mois (ou 249 € par an). Nous l’avons présenté lors du MaMa festival en octobre 2024 et l’offre « événement » est sortie en décembre pour les Trans Musicales de Rennes en décembre. Notre offre « salle » sera disponible dès le 10 mars, quant au mode dédié aux producteur de tournées, il sortira à la rentrée 2025. Le but, à terme, étant de lier ces différents instruments. Le fonctionnement est simple : un questionnaire est adressé par Fairly aux organisateurs de festivals par exemple. Les questions portent sur la gestion des déchets, la consommation d’eau, l’énergie utilisée, l’accessibilité ou encore la parité des équipes, en plus des problématiques d’impact carbone liées au transport du public et des artistes, les partenaires techniques ou la cuisine. Si cela semble chronophage au démarrage, les informations sont bien souvent connues mais éparpillées. Cela fait gagner du temps par la suite car notre outil permet de les centraliser et de fiabiliser la data. Une fois l’ensemble des données compilées, Fairly Score attribue trois notes à l’utilisateur : environnementale, sociale et carbone. Chaque question possède un coefficient qui peut varier selon les typologies d’évènements, visible sur l’interface et construit à partir des travaux du ministère de la Culture et de l’Ademe notamment. Le but est d’embarquer les publics dans ce que le secteur musical fait de mieux en termes d’écologie.
BM : Comment collectez-vous les données et vous assurez-vous de leur fiabilité ?
FG : Au rythme de notre déploiement, nous allons accompagner nos clients et être à même de vérifier que leurs scores sont cohérents. Nos modes de calcul sont également basés sur un ensemble de moyennes que la filière a mis à notre disposition à travers des sondages, études, etc. Nous sommes un agrégateur de toutes ces ressources et allons générer également nos propres moyennes en fonction des typologies d’événements de manière à que si des tendances sont anormalement positives ou négatives, nous soyons alertés. Notre outil n’est pas une certification, ni un label, c’est une solution de gestion de sa politique RSE et une solution de communication à destination des publics. C’est autant éthique que philosophique, mais nous partons du principe que nos clients répondent sans falsifier des éléments. Notre mission est que l’outil soit bien appréhendé pour qu’ils l’utilisent au mieux.
BM : Quels principaux défis avez-vous rencontrés pour convaincre les acteurs du secteur musical d’adopter Fairly Score ?
FG : Il existe entre 5 000 et 8 000 structures de production culturelle en France donc nous avons un très grand chemin à parcourir pour convaincre le plus grand nombre ! Pour une transition vertueuse, nous avons besoin de récolter les données les plus fiables possibles. Une fois qu’une structure est convaincue de la nécessité de notre outil, il leur faut dégager du temps et donc du financement. Quand on voit les budgets alloués à la culture et à la transition écologique menacés, il faudra redoubler d’effort pour convaincre d’investir dans Fairly Score.
« Même les entités n’ayant pas obtenu que des bons scores ont publié les résultats »
BM : Avez-vous déjà des retours d’organisateurs d’événements qui ont utilisé l’outil ?
FG : Nous avons eu des retours positifs des festivals (MaMa, Nancy Jazz Pulsation, Les Siestes…) ou des salles de concerts (La Maroquinerie, l’Espace Julien…) qui utilisent Fairly Score. Ce qui nous importe, c’est que les équipes en interne, pas seulement le service RSE, se sont appropriées notre outil. Générer un score est un bel objectif en soi, mais embarquer toutes les équipes dans une volonté de faire changer les choses dans le secteur musical est primordial selon nous. Le triple A est très difficile à obtenir et pourtant même les entités n’ayant pas obtenu que des bons scores ont publié les résultats, ce qui n’est en aucun cas obligatoire. C’est de très bon augure pour la suite et ce qui compte n’est pas tant la photographie à l’instant T mais la trajectoire et la progression de nos utilisateurs.
BM : La transparence sur l’impact environnemental des événements influence-t-elle déjà les choix du public ?
FG : Nous avions mandaté l’agence Bona fidé pour réaliser une étude avant de lancer Fairly Score et le résultat était que 83 % des consommateurs d’événements musicaux jugeaient qu’il était important ou très important que les organisateurs de notre secteur progressent sur les enjeux RSE. Dans leur écrasante majorité, ils considéraient également souhaitable d’avoir des indicateurs RSE fiables pour prendre leur décision. Ce qui fait transition et qui est marqueur de la transition va devenir absolument incontournable dans les prochains mois et les prochaines années pour le secteur culturel dans son ensemble.
« Nous tenons à avoir un mode de financement et de développement raisonné et raisonnable »
BM : Quels sont vos objectifs à court et moyen termes ?
FG : Nous sommes loin du modèle startup qui est en mesure de lever plusieurs millions d’euros en quelques mois, car nous tenons également à avoir un mode de financement et de développement raisonné et raisonnable. Nous sommes encore en pleine phase de lancement et cela durera encore un an avec l’arrivée du mode « salle » comme je le disais précédemment courant mars puis du mode « producteurs / tourneurs » en septembre 2025. En parallèle, des outils transverses (logiciels métiers) nous permettront, grâce à des partenariats, de solidifier notre offre. Je vais prendre l’exemple concret du logiciel Heeds, très complet et installé depuis plusieurs années dans le secteur, qui équipe bon nombre de structures de production et dans lequel on entre des listes d’artistes, les dates de concerts, les équipes techniques, les disponibilités… Nous allons créer un pont technologique avec Heeds afin de récupérer des données essentielles pour notre outil et densifier notre offre. Un partenariat avec un logiciel de billetterie est également dans les tuyaux puisque le principal responsable de l’impact carbone d’un événement est le déplacement du public.
BM : Envisagez-vous d’adapter Fairly Score à d’autres secteurs en dehors de la musique ?
FG : Nous envisageons différents types de développement donc la France est le minimum à considérer, mais plus on parle d’artistes importants et plus il faut se tourner vers l’international, a minima l’Europe. Nous sommes déjà en pourparlers avec d’autres filières de production culturelle qui se rapprochent du secteur musical et que sont le théâtre, la danse, les musées, sachant que le cinéma possède déjà des outils très avancés, notamment avec Ecoprod. Tout est question d’opportunités et de capacité en interne, mais nous pouvons également ambitionner de nous rapprocher des salons professionnels par exemple ou encore de toucher la filière sportive.
On vous recommande aussi
Ecoat : « Avec nos résines végétales, nous pouvons décarboner une peinture jusqu’à 40 % »
Vous pensez repeindre votre salon…. Avant de choisir votre couleur ou de comparer les prix, avez-vous regardé l’impact environnemental de votre peinture ? Dans Climat en Action, le podcast qui…
Souveraineté économique et décarbonation : un seul et même défi.
Souveraineté économique et décarbonation : un seul et même défi Cet article est le deuxième d’une série de 7 articles répondant à la question suivante : comment faire face au…
RATP, SNCF, Schneider Electric, Groupe Seb : la décarbonation dans les grands groupes au révélateur
« Climat cherche patrons militants. » En Vert et en Région, l’événement itinérant organisé par le Coq Vert, était de passage à Lyon. L’occasion pour plusieurs entreprises de la communauté basées en…