Avec son film Éclaireurs, Arthur Gosset dévoile une nouvelle approche de la transition écologique
L’idée d’Éclaireurs est née fin 2022. Arthur Gosset et son acolyte Hélène Cloître, partis passer quelques jours de vacances à la montagne, débarquent dans une station totalement dépourvue de neige. Des conditions météorologiques défavorables qui affectent surtout les travailleurs de la station. Le point de départ d’une enquête inédite de trois ans visant à comprendre comment la crise écologique bouscule d’ores et déjà en profondeur le monde du travail. Alors qu’Éclaireurs sort ce vendredi 7 novembre 2025 sur TV5Monde+ sous forme de web série, nous nous sommes entretenus avec Arthur Gosset.
Big média : Comment est née l’idée d’Éclaireurs ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de prolonger ton exploration du monde engagé après Ruptures ?
Arthur Gosset : À la suite de Ruptures nous sommes partis en tournée durant un an et demi avec Hélène Cloître, qui est réalisatrice et productrice du film. Nous avons rencontré énormément d’étudiants qui nous ont raconté que, d’une part, c’était top de changer de voie et de renoncer à une carrière avec moins de sens, mais que c’était tout de même réservé à une catégorie de privilégiés. Et d’autre part, certains n’avaient pas forcément envie de bifurquer et nous demandaient comment réussir à concilier carrière et engagement. Nous avons donc décidé de nous intéresser à ces « infiltrés », ces gens qui tentent de s’engager de l’intérieur. Nous avons pris conscience à quel point le monde du travail était impacté par la crise écologique, comment les métiers et les modèles économiques allaient devoir être réinventés. Et donc la casse sociale que cela implique d’un point de vue de la pérennité des emplois. Nous n’en avions pas du tout pris conscience. L’engagement n’est pas qu’une question de volonté en fait, c’est aussi une question de nécessité pour beaucoup de gens. C’est pour cela que le tournage d’Éclaireurs nous a pris trois bonnes années !
« Nous souhaitions aller chercher des personnes qui s’engagent là où on ne s’y attend pas vraiment »
BM : Le film met en lumière des individus qui cherchent à réinventer leur manière de travailler. Comment as-tu sélectionné les personnes que tu suis ?
AG : Nous avons passé environ 300 appels pour trouver nos Éclaireurs car nous ne voulions pas interroger que des cadres supérieurs qui se trouvent déjà dans nos réseaux, hyper sensibilisés aux enjeux écologiques. Une fois identifiés, il fallait que le projet soit filmable, compréhensible, avec des personnes se trouvant à des niveaux hiérarchiques différents et dans des structures hétérogènes pour comparer et déterminer les critères qui aboutissent à un projet de transformation, pas simplement un éco geste. Nous souhaitions aller chercher des personnes qui s’engagent là où on ne s’y attend pas vraiment. Qui le font parce qu’ils en sont convaincus et qui ne vont pas le crier sur tous les toits. Je pense à Mahault notamment, vendeuse dans un magasin de bricolage, et pour qui l’objectif était de vendre le moins possible de produits premiers prix. Ceux qui parcourent des dizaines de milliers de kilomètres avant d’arriver dans son rayon et qui s’usent très rapidement. Elle a pris conscience toute seule que son métier était surtout de conseiller et d’accompagner ses clients, de proposer d’autres projets comme la mise en place d’un service de location par exemple.
BM : Ton regard a-t-il changé au fil du tournage ? Y a-t-il un moment ou une rencontre qui t’a particulièrement marqué ?
AG : Notre vision de l’engagement s’en est trouvé déconstruite. Nous avons pris conscience qu’il y avait des Éclaireurs et des Éclaireuses qui s’engageaient un peu partout dans notre pays. Avec une conviction écologique mais aussi et surtout dans le but de pérenniser leurs emplois. Nous avons fait énormément de rencontres inspirantes durant ces trois ans d’enquêtes. 130 heures soit 25 jours de tournage, 8 mois de montage, car les projets de transformation que nous avons suivis nécessitaient du temps. Nos Éclaireurs ont eu besoin d’embarquer leurs collègues, leurs directions, parfois leurs équipes. Si je devais ressortir une rencontre, je parlerais peut-être de Soizic, qui officie au sein du service « Transformation » de la Gendarmerie nationale. Ils sont plusieurs dizaines dans son cas à réfléchir à comment leur structure s’adapte aux nouveaux facteurs de pression, quels qu’ils soient, pour que la Gendarmerie puisse durer. Personne n’en parle et pourtant c’était incroyable de découvrir tout cet univers.
« Le monde du travail est impacté par la crise écologique et va l’être de plus en plus, tout secteur confondu. Mais il y a de l’espoir ! »
BM : Éclaireurs évoque ceux qui ouvrent la voie. Selon toi, que nous montrent ces personnes sur le futur du travail, de l’engagement, ou du sens ?
AG : Dans le documentaire, nous retrouvons la prise de conscience de chacune et chacun que le monde du travail est impacté par la crise écologique et va l’être de plus en plus, tout secteur confondu. Mais il y a de l’espoir ! Il est possible d’adapter nos métiers, de nous y préparer. Les bonnes idées viennent aussi bien de la direction que des salariés. Alors, certes, cela nécessite du temps dans les grosses structures et demande de la résilience, mais nous voyons dans le film que les initiatives aboutissent. Il convient aussi de repenser les modèles économiques et les métiers pour être plus stable et moins dépendre de ressources extérieures, de biodiversité, analyser les risques environnementaux et s’y préparer. Si on ne s’y attèle pas maintenant, la casse sociale sera gigantesque demain.
BM : En tant que jeune réalisateur, quels défis rencontres-tu pour produire et diffuser ce type de cinéma engagé ?
AG : Toute la difficulté résulte dans le fait que nous ne voulions pas faire de greenwashing pour certaines marques, nous étions toujours sur un fil. Il faut également réussir à créer un lien de confiance avec les différentes structures, filmer tel que cela se passe vraiment, qu’ils oublient la caméra. Cela nécessite beaucoup d’échanges au préalable. Certains projets n’ont pas vu le jour également, il a fallu abandonner parfois des heures de tournage.
BM : Si tu devais résumer en une phrase le message que tu aimerais que le public retienne d’Éclaireurs, ce serait lequel ?
AG : Le monde du travail va être bouleversé par la crise écologique et il est urgent que tout le monde s’empare de cette question, quel que soit son métier, son secteur d’activité et sa place dans la hiérarchie. Nous pouvons d’ores et déjà anticiper ces bouleversements et préparer les métiers de demain. J’espère que nous allons réussir, avec ce film, à toucher les sphères de la population qui ne s’engagent pas via le prisme de l’écologie, mais par celui de la sécurité de l’emploi ou de la pérennité des modèles économiques.
La bande annonce d’Éclaireurs :
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