La construction bois à la croisée des enjeux : innovation, environnement et marché

Le bois, un matériau du passé pour construire l’avenir ? Rassemblés lors d’un panel organisé par Bpifrance à l’occasion de l’édition 2025 de BIG, des experts ont exploré les nouvelles dynamiques de la construction bois, entre avancées technologiques, enjeux réglementaires et ambitions économiques.

Durant la grand-messe BIG 2025 organisée par Bpifrance en septembre dernier, la Bulle Le Coq Vert a pétillé d’idées et de débats pour enclencher définitivement les transitions environnementales et énergétiques dans toutes les industries. Parmi elles, le bâtiment, éternellement pointé du doigt à cause de sa part très importante dans les émissions de gaz à effet de serre nationales : 43 % des émissions énergétiques et 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les alternatives bois existent, que ce soit pour les infrastructures, les façades ou la rénovation des bâtiments. Mais sont-elles généralisables ? Sous la houlette de Myriam Kitar cheffe de programmes accélérateurs de Bpifrance, Alban Boyé, PDG du groupe Trécobat (construction, aménagement, promotion) et Sébastien Frin, vice-Président corporate de Woodoo (spécialiste de la construction bois) ont pu développer la vision de leurs organisations.

Retrouvez le replay de ce panel Bpifrance lors de BIG2025 : https://www.youtube.com/watch?v=fdc_qHn1GBo

Bâtir un avenir durable avec le bois

Président du Groupe Trécobat et accéléré Bpifrance, Alban Boyé insiste dès l’introduction sur le rôle stratégique du bois : « La construction bois représente une opportunité unique de concilier croissance économique et responsabilité environnementale. »  Selon lui, la filière doit s’inscrire dans une logique de massification pour impacter réellement la réduction des émissions de CO₂. « En intégrant davantage le bois dans nos constructions, nous stockons le carbone pendant toute la durée de vie du bâtiment tout en répondant aux attentes d’un marché qui cherche du sens et de la durabilité. » Pour lui, la clé réside dans le fait que « le bois est un matériau naturel, renouvelable, et il faut changer la perception du public et des décideurs. » Il souligne aussi la nécessité d’accompagner cette dynamique par des innovations. « La préfabrication et les procédés modernes comme la CLT (Cross Laminated Timber) permettent de construire plus vite, plus propre, tout en respectant la réglementation ».

L’innovation technologique comme levier de transformation

Vice-président de Woodoo, entreprise membre de la communauté du Coq Vert et accéléré Bpifrance, Sébastien Frin porte la vision de l’innovation. « La technologie permet de repousser les limites du bois, d’en faire un matériau du XXIe siècle, » affirme-t-il. Selon lui, le défi est de rendre le bois plus performant, plus flexible pour répondre aux exigences des grands projets urbains. « La plateforme Woodoo, que nous développons, permet de fabriquer des panneaux en bois modifié ou en composites biosourcés, résistants et faciles à assembler. » Il cite le projet Mixcity à Renens (Suisse) où ont été assemblés 8 000 m² linéaires de matériaux composites Stack, durables, rigides et résistants au grisaillement. Il insiste : « La préfabrication, l’utilisation de composites biosourcés offrent des opportunités pour réduire les coûts et accélérer les délais. Les innovations ces dernières années en impression 3D permettent aussi de créer des éléments architecturaux complexes, en usine, à l’aide de robots. » Qu’il s’agisse de renforcer la durabilité ou d’améliorer la modularité, l’innovation devient un moyen de démocratiser le recours au bois, y compris dans les bâtiments complexes. « La transformation passe aussi par la digitalisation, avec l’usage de l’intelligence artificielle pour concevoir et optimiser chaque étape. »

Le rôle du soutien public et la dynamique de marché

Cheffe de programmes à Bpifrance, Myriam Kitar met en avant l’importance d’un cadre politique et économique favorable : « La French Tech et la filière bois ne peuvent se développer que si l’environnement réglementaire évolue rapidement. Nous visons à faire de la France un leader européen dans la construction bois, avec un objectif clair : augmenter la part des matériaux biosourcés dans la construction de demain. » Cette volonté ne pourra être faite qu’avec plus d’initiatives, à l’image de la plateforme suisse Lignum, qui fédère des acteurs du bois pour développer la filière ou encore de l’Accélérateur Bois de Bpifrance, qui accompagne les dirigeants de PME et d’ETI de la filière Bois (gestion et exploitation forestière, industrie, marchés de travaux du bâtiment et distribution). Les enjeux de formation et d’attractivité sont également cruciaux pour recruter des ingénieurs, des techniciens et surtout des jeunes dans ces filières bois en cours de structuration.

Enfin, à la question essentielle du coût de l’utilisation du bois vis-à-vis du béton, Alban Boyé a nuancé cette idée : « le coût global doit intégrer la performance énergétique, la rapidité de mise en œuvre et les économies liées à la réduction des émissions carbone. Ce qui donne un avantage au matériau Bois. » Et Sébastien Frin de compléter : « les prix évoluent avec la montée en puissance de la filière bois et les innovations, ce qui tend à réduire l’écart avec le béton. »

On repart de l’AccorArena en se disant que la construction bois, en phase de mutation accélérée, possède toutes les clés pour transformer le secteur du bâtiment. En combinant avancées technologiques, politiques publiques volontaristes et une filière économique dynamique, le secteur s’engage sur la voie d’un avenir plus durable, plus innovant, et plus compétitif.